Emocratie
La photo du corps d'un enfant rejeté par les vagues sur la plage de Bodrum fait le tour d'Internet suscitant des vagues d'indignation. Pourquoi provoque-t-elle plus d'indignation que celles d'enfants décharnés par la faim ou d'autres photos tout aussi horribles dont on nous abreuve ces dernières années ?
Photos de cadavres d'enfants rejetés par les vagues sur les plages, celles de cadavres d'enfants chrétiens décapités, femmes yézidis esclaves sexuelles de Daesh, clichés de personnes pendues que l'on fait brûler vives sur des brasiers allumés à leurs pieds, photos de personnes égorgées comme des animaux, homosexuels pendus ou jetés du haut d'un immeuble, video de décapitation, photo du SDF belge qui n'a soi-disant pas droit à l'aide sociale, images de mineurs italiens remontant de la fosse opposées à celles de réfugiés en train de prendre leur repas dans un hôtel (?), photos des "migrants" à nos frontières comparées à celles des réfugiés belges fuyant les horreurs des deux guerres du 20e siècle.
A côté des vraies guerres, a lieu une guerre des images, images dégoulinantes de larmes et de sang. Le choc des photos devient supérieur au poids des mots que l'on réduit à leur plus simple expression. Images réelles, parfois sorties de leur contexte, images construites ou trafiquées, on ne s'y retrouve plus dans ce battage médiatique, qui tient plus de la manipulation que d'une vraie sensibilisation et d'une vraie réflexion sur les problèmes qui ont entraîné ces situations et sur les problèmes engendrés par ces situations.
L'émocratie nous gouverne, nous nous laissons diriger par les émotions à l'état brut. Les médias et les réseaux sociaux stimulent la poussée d'adrénaline, la nausée, le frisson... en négligeant volontairement tout ce qui peut aider à la réflexion critique. Et après la surdose d'adrénaline, nous n'avons pas d'autre choix que l'indifférence pour nous protéger.
Nous ne devrions pas attendre de voir la photo d'un enfant noyé pour prendre les décisions pour sauver des populations des massacres.
Les photos sont nécessaires, mais livrées à l'état brut, elles ne permettent pas l'analyse rationnelle des faits, seule capable de comprendre et d'aider à résoudre des situations dramatiques.
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