Un roman initiatique à l'histoire de l'art
Les yeux de Mona de Thomas Schlesser (Editions Albin Michel)
J’ai découvert ce livre par une amie qui était en train de le lire. J’ai été intriguée par ce qui m’a semblé une incongruité entre le titre de l’ouvrage Les yeux de Mona et l’illustration de la jaquette de couverture. Mona, je ne sais pas vous mais moi, Mona évoque irrésistiblement Mona Lisa, la Joconde. Or la couverture affiche un agrandissement des yeux de La jeune fille à la perle de Vermeer ! Mon amie m’a brièvement expliqué le sujet du livre qu’elle n’avait pas encore terminé.
Mona, une petite fille de 10 ans, est victime un jour d’une perte brutale de la vision. On imagine le drame pour l’enfant et pour la famille. Cette cécité s’avère heureusement transitoire, Mona récupère la vue de manière aussi inexplicable qu’elle l’avait perdue. Mais faute d’en connaître la cause, l’ophtalmologue prévient les parents du risque que ce problème revienne et peut-être même de manière définitive. A défaut de traitement tant curatif que préventif, une psychothérapie est prescrite, pour aider l’enfant à assumer ce qui risque de lui arriver et peut-être aussi pour tenter de trouver une origine psychologique au problème. C’est là qu’entre en jeu le grand-père. Il décide de s’occuper de trouver un pédopsychiatre et d’y conduire l’enfant. Mais sa démarche est tout autre. Si Mona doit perdre la vue, il est important, pense son grand-père qu’elle puisse se constituer une banque d’images de chefs d’œuvres qui éclaireront sa vie. Les consultations psychiatriques seront remplacées par une visite par semaine dans un musée. Le récit se déroule à Paris. Toutes les semaines pendant un an, le grand-père emmène la petite Mona au Louvre, puis au Musée d’Orsay, et enfin au Centre Georges Pompidou (Baubourg). Et chaque semaine, la visite se limite à une seule œuvre d’art. Ce roman est en fait une initiation à l’histoire de l’art et à l’analyse artistique. Thomas Schlesser est historien d’art, il sait de quoi il parle et à travers les propos du grand-père mais aussi par le regard de Mona, il en parle bien. 52 œuvres sont décrites de manière tellement détaillée qu’on les voit même s’il n’y en avait pas de reproduction dans la jaquette de couverture dépliable. Elles sont mises en perspective par rapport à la vie de l’artiste et l’histoire de la période où elles ont été créées. Henri, le grand-père et cicerone de Mona parle à cette dernière comme à une adulte. Et les commentaires de l’enfant sont élaborés, peut-être un peu trop diront certains pour une enfant de cet âge, mais les réflexions d’enfant ne sont infantiles que lorsqu’on infantilise l’enfant. J’ai apprécié le choix des œuvres et des artistes fait par l’auteur. L’histoire évolue dans trois musées parisiens donc le choix se porte forcément sur des œuvres contenues dans ces trois musées. L’auteur n’oublie pas les artistes féminines et plutôt que les tartes à la crème de l’histoire de l’art, il présente des œuvres peut-être pas toutes connues pour un public non averti et il fait une bonne place à l’art contemporain, installation et performances. Et les 52 œuvres apportent autant de leçons de vie à Mona qui trouve les liens qui existent entre elles à travers le temps et le monde.
En parallèle de la visite des musées, on suit Mona dans sa vie quotidienne, ses relations familiales, son père brocanteur alcoolique, sa mère trop intrusive, ses amies, ses premières amours et un secret autour de la mort de sa grand-mère. Et que deviendront les yeux de Mona ? Je ne vous en dirai pas plus.
Je je n’ai pu m’empêcher d’y trouver une ressemblance avec Le monde de Sophie de Jostein Gaarder, un roman initiatique à la philosophie à travers une aventure vécue par une fillette.
Un livre passionnant et que l'on ne doit pas hésiter à relire.
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