Quand l’organisme est sous pression : petit tour d’horizon de l’hypertension artérielle
La mesure de la pression artérielle est un geste incontournable de toute consultation médicale qui se respecte. Mais la définition de l’hypertension artérielle reste assez floue...
Elide Montesi
Le système cardio-vasculaire comporte une pompe (le cœur) propulsant un liquide (le sang) dans un circuit fermé de canalisations souples (les vaisseaux sanguins). La pression qui règne dans ces canalisations varie, à chaque cycle cardiaque, entre une valeur maximale et une valeur minimale. Ces valeurs sont toujours exprimées en millimètres (ou cm) de mercure (Hg). Ainsi une pression artérielle de 140/90 (ou 14/9) signifie que la pression atteint 14 cm de mercure lors de la contraction cardiaque, et chute à 9 cm entre deux battements. Ces chiffres dépendent de la force et de la fréquence des contractions cardiaques, mais aussi de la résistance que les artères opposent à l’écoulement du sang : plus leur diamètre interne est rétréci, plus elles opposeront de résistance et plus il faudra de pression au sang pour pouvoir y passer.
La pression artérielle n’est pas constante. Elle varie chez une même personne en fonction des besoins de chaque instant : elle s’élève ainsi au cours d’un effort, en cas de stress, diminue au repos et varie avec la position. Elle augmente aussi avec l’âge. Plusieurs mécanismes de régulation, notamment un niveau des reins, nous permettent de l’adapter aux circonstances. Si ces dispositifs s’enrayent, une diminution (hypotension) ou une élévation de la pression artérielle (hypertension) s’ensuit, ce qui n'est pas sans conséquences.
Un diagnostic malaisé
Le diagnostic d’hypertension artérielle n’est pas si simple qu’on pourrait le croire. De nombreuses erreurs d’évaluation sont possibles, liées à l’appareil de mesure, à la personne qui prend la tension, à l’état du patient. On peut diagnostiquer à tort des personnes comme hypertendues parce que leur pression artérielle, pourtant normale, s’élève de manière excessive lorsqu’elle est mesurée par le médecin. On appelle cela « l'effet blouse blanche » ou « l'hypertension de la blouse blanche » selon que ces chiffres se normalisent ou non lorsqu’on répète la mesure au cours de la même consultation. A l’inverse, des personnes hypertendues peuvent échapper au diagnostic parce que leurs chiffres sont toujours normaux au cabinet médical: on parle alors d’hypertension masquée. On ne peut donc pas se contenter d’une ou deux mesures isolées pour poser un diagnostic d'hypertension. Des mesures répétées et régulières dans le temps sont nécessaires, ainsi que le recoupement par des auto-mesures réalisées par le patient ou par un enregistrement ambulatoire de 24 h (ou plus). Ce dernier n’est d’ailleurs pas nécessairement le reflet le plus fidèle de la réalité …
Essentielle ou secondaire ?
Les causes de l’hypertension sont multiples et mal connues. Une origine génétique multifactorielle n’est pas exclue. Dans 5% des cas, elle est secondaire à une perturbation des mécanismes de régulation. Certains médicaments peuvent aussi provoquer une hypertension artérielle; c’est le cas des décongestionnants nasaux (voir EQ 65) ou encore de la pilule contraceptive. Quand aucune cause précise ne peut être identifiée, l'hypertension est dite essentielle. Certains éléments favorisent sa survenue comme l’absorption régulière d’alcool, l’obésité, le manque de sommeil, le tabac, ou une consommation trop élevée en sel (sodium) dans l’alimentation. Le risque lié au sel est toutefois assez complexe : il suivrait une courbe en « J » c'est-à-dire qu'une trop faible consommation de sel entraînerait aussi un risque cardiovasculaire plus élevé, mais moindre qu’en cas de surconsommation. Il n'en reste pas moins vrai que le conseil de manger moins salé reste le plus souvent valable, ainsi que celui de perdre du poids en cas d’obésité (10% en moins suffisent), pratiquer une activité physique, arrêter de fumer, apprendre à gérer son stress,… Tous ces petits moyens augmentent l’efficacité du traitement médicamenteux. A un stade débutant, ces actions sur le mode de vie peuvent même suffire à éviter de devoir prendre un traitement.
Pourquoi traiter l’hypertension ?
L’objectif du traitement est de prévenir ou de réduire les dégâts liés à une surpression constante dans les artères. Une pression trop élevée favorise en effet les complications cardiovasculaires: infarctus, insuffisance cardiaque, accident vasculaire cérébral, insuffisance rénale. Il est prouvé que l’abaissement de la tension artérielle par des traitements appropriés s’accompagne de manière évidente d’une réduction de ces problèmes.
Le problème est de situer avec réalisme le seuil à partir duquel on peut dire qu'il y a bel et bien hypertension. Cette affection se diagnostique en effet sur des chiffres et non sur des symptômes. Il y a encore un quart de siècle, la cote d’alerte se situait au-dessus de 160 mm Hg de pression systolique et 95 de pression diastolique. Actuellement, l’OMS définit comme hypertendues les personnes dont la tension artérielle est supérieure à 140 /90 mm Hg. Mais cette définition est arbitraire et ne se justifie ni par la répartition statistique de la pression artérielle au sein de la population, ni par une relation objective entre un seuil de pression artérielle et une augmentation du risque cardiovasculaire. Ainsi, après 80 ans, 60% des hommes et 75% des femmes ont une tension artérielle supérieure ou égale au seuil de 140/90 mm Hg. Jusque dans les années 70, on considérait cela comme une conséquence normale du vieillissement; actuellement, c'est devenu une indication de traitement. Et récemment, certains ont créé la notion de pré-hypertension pour les sujets avec des pressions normales hautes (120-139/80-89 mm Hg)… Plus les chiffres dits « normaux » sont bas, plus il y a évidemment de gens à traiter. Ce flou artistique entre normal et pathologique a aussi pour conséquence d’étendre le marché des antihypertenseurs…
Chez un hypertendu sans autres problèmes de santé, on vise donc une tension inférieure ou égale aux 140/90 mm Hg. Pour les patients diabétiques ou insuffisants rénaux, la barre est encore plus basse. A l’inverse on se méfie de trop réduire la tension artérielle chez les personnes de plus de 80 ans, car cela peut être à l’origine d’orthostatisme (chute de tension au changement de position) provoquant des chutes aux conséquences immédiates parfois dramatiques. Par ailleurs si traiter l’HTA au-delà de 80 ans réduit le risque d’accident vasculaire cérébral, cela n'améliore pas la mortalité globale …
Un traitement à choix multiple
A l’heure actuelle, les médecins jonglent avec sept classes différentes de médicaments pour agir sur les mécanismes de régulation de la pression artérielle. Les plus récents (inhibiteurs de l’enzyme de conversion, sartans, inhibiteurs de la rénine) bloquent le système hormonal régulateur principal de la pression artérielle (système "rénine-angiotensine"). Mais les découvertes les plus récentes n’ont pas relégué aux oubliettes les remèdes plus anciens comme les diurétiques ou les molécules dilatant les artères par des mécanismes variables.
Tous ces médicaments peuvent être prescrits seuls ou associés par deux, trois voire plus selon le stade de l’HTA et l’état général. Si ce traitement antihypertenseur doit bien souvent être pris à vie, le type de médicament prescrit, les associations ou les dosages sont sujets à des modifications en fonction de l’évolution et de l’âge du patient, de l’apparition d’autres pathologies ou des effets secondaires.
Pour être efficace, le traitement nécessite d’être bien suivi. Mais la chose est d’autant plus difficile que l’HTA est une maladie silencieuse évoluant sur le long cours. La tentation est grande d’arrêter dès que « la tension est devenue bonne ». Par ailleurs, un traitement même bien suivi ne réduit pas à néant le risque de complications vasculaires… Traiter l’HTA multiplie par ailleurs le nombre de médicaments à prendre : en effet aux antihypertenseurs peuvent s’ajouter d’autres médicaments comme l’aspirine pour éviter le risque de thrombose ou ceux pour diminuer le cholestérol, autre facteur important de risque cardiovasculaire. Pour toutes ces raisons, on n'entame jamais à la légère un traitement antihypertenseur.
Et si l’HTA fait de la résistance ?
Pour les patients « disciplinés » dont l’hypertension artérielle résiste au traitement médical maximal (quatre antihypertenseurs et plus), on peut tenter une technique de pointe – toujours en cours d’évaluation – qui est la dénervation rénale. Elle consiste à diminuer l’activité du système nerveux sympathique rénal en chauffant ce dernier brièvement par des ondes de basse fréquence. La recherche actuelle pour le traitement de ces hypertensions résistantes s’intéresse aussi à la stimulation des sinus carotidiens par l’implantation d’électrodes au niveau des récepteurs de pression présents dans les carotides.
Références : voir www.equilibre-magazine.be
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